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Le Temps Nomade

"Paroles d'Hommes" et autres textes Corinne Baron
13 November 2004

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Paroles d’Hommes

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Je suis de la planète bleue...

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Là où le vent est la parole des Hommes,
Là où les mots sont la mémoire du Vent.

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Je suis de la planète bleue,

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Comme on est d’un pays,
De ses tempêtes ou de ses embellies,
De ses croyances aussi.

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Mais à l’ancre de ses doigts de varechs,
Dessinée dans les remous de ses vives-eaux,
Je suis marin de l’éternel,

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Éphémère de cet instant ou la mer étale
S’étale et repart dans un soupir confié à la Terre.

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Et sur la grève froissée de ses nuits offertes aux étoiles,
Le temps a laissé gravé l’empreinte de ses pas,
De ses larmes fossilisées, de ses rides de rires.

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Je suis de la planète bleue,

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Naufragée de ses rêves, le corps immobile,
Chimère engravée sur une frange de sable.

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Mais le Temps m’a donné le temps d’écouter
La parole des Hommes, la mémoire du Vent,
Le Cantique absolu de ma Terre.

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Je suis de la planète bleue,
et c’est bien plus qu’une prière!

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Le caillou cerclé

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J’ai appris le silence
Du caillou cerclé posé au creux de sa main
Comme en une conque secrète.

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“Tu vois, m’a t-il dit, c’est nous cerclés comme lui,
Prisonniers de nos rêves...”

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Nous avions vingt ans,
Nous avions quinze ans,
Nous avions déjà -mais qu’importe aujourd’hui-
L’âge de n’être encore, éternellement que des enfants.

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Il a posé dans le sable le caillou cerclé
Et nos rêves recouverts de cette fine poussière d’or.

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A l’orée de ses lèvres il y avait mes lèvres,
Son corps avide de moi,
Et ma soif à moi
de lui.

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Mais le ressac d’un coup a balayé de sa griffe blanche,
L’écumede nos rêves, le caillou cerclé, et les promesses d’hier
En mots enfuis, en mots trop dits.

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J’ai appris le silence
De son pouce sur ma bouche, de ses yeux fermés,
De son visage otage de mes doigts enfiévrés.

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Et tout au fond de l’océan,
Un caillou cerclé captif de l’immensité,
Entraînait sans fin nos rêves
Bien au delà du Temps.

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J’ai appris le silence
Des mots plus forts que les mots,
De caresses suspendues au frisson de ma peau,
A l’infini de Vie, d’Espoir et d’Urgence
D’un premier amour.

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Nous avions vingt ans,
Nous avions quinze ans,
L’éternité de chaque seconde.

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Aimer encore

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J’aimerais peindre le vent,
Ses filaments de brumes blanches
Accrochés à la cîme des arbres,
La cavale sans fin sur ton corps
De ses arpèges opalins.

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J’aimerais peindre dans le ciel
Comme autant de nuages irisés,
Et telle une offrande suprême,
Les veines rocheuses de la silice ou du quartz,
Les traces rouges de ton sang sur le sable du Temps,

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J’aimerais peindre sur la grève grise des jours enfuis,
L’empreinte complice de nos pas, ton sourire et nos éclats de rire.

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J’aimerais retenir de mes poings serrés sur mes paupières closes,
Tous ces rêves de grand large qui voudraient s’échapper,
M’éloigner de toi.

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J’aimerais peindre sans fin,
Car peindre c’est aimer encore,
Peindre les mots sur l’aquarelle de ton corps,
Peindre le vent,ses filaments de brumes blanches
Peindre simplement d’un effleurement du doigt

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La Vie que tu m’as donné.

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L’éphéméride

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Le temps a coulé dans mes veines
Les alluvions des jours enfuis,
Le sable rouge et la poussière d’argile
Mêlés au sel de la Terre.

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Et je suis sous tes doigts,
Pétrie de tes mains,
Le santon éphémère de quelques jours,
De quelques siècles.

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Entends-tu mon cri?
Je porte en moi le sablier du Temps,

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Et sur ma peau j’ai l’estampe de toi,
La morsure de tes ongles
Lavée de mes larmes pour eau-forte.
Des lambeaux de ta peau sur mon corps à la dérive,
En souvenir...

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De nos corps à corps,
De nos corps à cris,
De nos corps à plume,
Aujourd’hui encore...

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Et j’écris.
Entends-tu mon cri?

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Le temps a coulé dans mes veines
Du sable rouge, de la poussière d’argile
Mais mêlés au sel de la Terre.
Et tu me feras bientôt limon,

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Car je porte en moi le sablier du Temps,

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Si lourd déjà de l’enfant à naître,
De l’Homme à venir.
Demain, peut-être...

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Entends-tu son cri?

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Thot

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Je n’ai pas de Roi, je n’ai pas de Dieu,
Je n’ai pas d’idole à aduler.

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Je n’ai que du Temps,
Éphémère,
Des rêves d’enfance,
Quelques cris à l’orée des lèvres.

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Je porte en moi un peu de la Terre,
Du Ciel et des Etoiles,
Beaucoup d’espoir...

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Tu appartiens sans le savoir au calendrier du monde,
Et tu te crois éternel.
La Terre tourne,
Le Soleil Orion Jupiter Vénus
Et toi, tu fais la ronde.

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Puis un jour tu découvres enfin...

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Mais il faudrait pouvoir retenir le temps,
Le replier sur soi en accordéon,
Le consulter ainsi, page après page.

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Mais je ne suis pas magiciennne,
Et je ne fais qu’écrire l’or des jours qui passent
Sur le parchemin de la vie.

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Il avait une tête d’ibis
Et possédait la parole du Temps...

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Si un dieu aujourd’hui
Si une idole pour moi devait exister,
Il s’appelerait sans nul doute
Thot.

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***

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Le Temps demain

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Regarde, regarde-moi,

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J’ai le regard qui part,qui chavire sans fin
De mon corps, de ton corps en émoi,

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Ma vie est une fenêtre entrouverte,
Et je suis avec Toi le cri de la mouette...

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Regarde, regarde-moi,

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Chaloupe de brume sans voile ni rame,
Je vais, fugitive et fragile
Dans les braise du soir.

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Le Temps pour Toi n’est rien,
Tu seras simplement mais demain encore,
Là, ou ailleurs.

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Mais je vais,
Et les yeux accrochés au vent,
Point fixe droit devant

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Regarde, regarde-moi,

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Au fond de mes prunelles j’ai pris le ciel,
Le gris de la colère et le vert des arbres
En cascades mousseuses de flots écumants.

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Regarde, regarde-moi,

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Le Temps pour Toi n’est rien puisque tu es le Temps,
Tu seras simplement mais demain encore...

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Je suis sur Terre qu’un petit grain de rien,
Mais mon âme est pleine de Toi,

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De tes tourments, de tes tornades,
De tes orages de rires, de tes éclats de pleurs...
De tes vents de sables.

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Regarde, regarde-moi,

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Car avec Toi, je serai le Temps,
Le Temps demain d’être encore
Aujourd’hui.

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